Tout autour il y a la "jungle", sa kyrielle de toiles de tente bchées, ses cabanes multicolores faites de bric et de broc, ses rues biscornues bordées d'échoppes et de restaurants improvisés... Pénétrer dans le "centre d'accueil provisoire" installé depuis janvier dans la partie nord du bidonville de Calais offre un contraste saisissant. Là, pas de boue au sol mais un terrain soigneusement gravillonné, pas d'abris de fortune mais 125 conteneurs en métal blanc, numérotés et rigoureusement alignés.
En ce début Tn Nike d'après-midi pluvieux mardi, les allées de cet lot grillagé, où l'on entre et d'où l'on sort librement, mais en posant sa main dans un botier de reconnaissance par empreinte palmaire, sont quasi désertes. "Beaucoup dorment encore, car la nuit ils sont nombreux à tenter de rejoindre l'Angleterre. a s'anime davantage en fin de journée", nous assure notre jeune guide Guillaume Sénéchal, en gilet orange comme les 150 salariés de La Vie Active, l'association chargée par l'Etat de gérer les lieux.
"Campagne de désinformation"
Au dernier comptage réalisé la veille, 1.222 personnes, sur les 1.500 places disponibles (quelques centaines de places supplémentaires sont dévolues aux femmes et aux enfants dans le centre Jules Ferry voisin) vivaient dans ces cubes rectangulaires de 38m2 transformés en dortoirs. Lundi, la première journée de démantèlement de la partie sud de la "jungle", validée la semaine dernière par la justice au nom de la sécurité et de la salubrité, n'a pas entrané de hausse particulière des arrivées dans les conteneurs, quelques dizaines par jour en moyenne. Les départs de pensionnaires vers l'un des 102 centres d'accueil et d'orientation (CAO) disséminés sur toute la France, l'une des autres solutions d'hébergement proposées aux habitants de la "jungle" - celle privilégiée par l'Etat-, ont même été plus nombreux.
Car beaucoup de migrants rechignent encore à s'y installer. La faute à une campagne de "désinformation", selon les gilets orange de la Vie active: "Certains décrivent le centre d'accueil provisoire comme une prison, voire même comme un camp de concentration... Ce n'est peut-être pas le luxe, mais a a le mérite d'exister et d'offrir un endroit chauffé et salubre aux migrants", fait valoir Barbara Jurkiewicz, une autre salariée de l'association.
"Toute intimité impossible"
Il y a deux semaines, Emmaüs, Médecins du Monde et six autres ONG avaient écrit à Bernard Cazeneuve pour dénoncer les alternatives proposées aux migrants après l'évacuation, jugeant notamment le centre d'accueil provisoire "encore largement sous-dimensionné". Sachant qu'entre 800 et 3.450 personnes, selon les sources étatiques ou associatives, vivent dans la zone vouée au démantèlement. Des organisations et personnalités avaient enfoncé le clou quelques jours plus tard dans une tribune publiée dans Le Monde et sur Mediapart. "Le fait est qu'il s'agit de cabanes de chantiers, avec dans chacune des lits superposés pour douze personnes, où l'on ne peut qu'être debout ou couché; toute installation de mobilier y est interdite, toute intimité impossible...", écrivaient-elles à propos des conteneurs.
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Depuis, pour renforcer la dimension sociale du camp, plusieurs salles de "convivialité" y ont été aménagées, un terrain de volley doit même prochainement y voir le jour, mais on ne peut pas nier le manque d'intimité en entrant dans le conteneur numéro 18. "Ici, on ne peut pas cuisiner, on n'a pas de douche et depuis plusieurs jours même pas de point d'eau", se plaint Mahmoud, Afghan de 32 ans arrivé il y a 11 mois à Calais. Il ira tout à l'heure, comme beaucoup, au centre de jour Jules Ferry où sont offerts chaque jour 1.500 petits-déjeuners, 2.500 repas et 500 douches. Sur le lit voisin Ahmed, 17 ans et Afghan lui aussi, s'inquiète plutt du système de contrle des entrées et sorties: "C'est vraiment sr que nos empreintes ne seront pas enregistrées", interroge-t-il, relayant une crainte répandue - à tort et il ne s'agit de toute faon pas d'empreintes digitales - chez de nombreux exilés. "Vivre dans ces conteneurs ou dans la jungle, on s'en fiche, embraye Mahmoud: on n'est pas ici pour dormir". Ce soir à 23 heures et jusqu'au petit matin, ils sortiront et braveront les dangers, la police, les passeurs ou les milices racistes, pour tenter de grimper dans un camion et rejoindre l'Angleterre, où vit le frère de Mahmoud.
"En France, je n'aurai jamais de papiers"
Dans le conteneur voisin, Nasir, 30 ans, juge que ses conditions de vie sont "meilleures" ici que dans la jungle où il a passé près d'un an. Mais lui aussi rêve d'une Angleterre qui lui ferme pourtant plus que jamais ses portes. Et se méfie d'une France qui tente pourtant de le convaincre de rester chez elle. "Je parle anglais et là-bas il est facile de trouver un job. Si je reste en France, je n'aurai jamais de papiers", assure le Pakistanais.
"Ils veulent aller en Angleterre, c'est leur choix, commente Guillaume Sénéchal. Le but de La Vie Active n'est pas d'aller contre, mais de leur montrer, avec les services de l'Etat qui réalisent des maraudes, qu'il y a des alternatives en France. Et le fait de pouvoir se poser dans les conteneurs, loin de l'urgence de la jungle, les aide à y réfléchir". Depuis l'ouverture du camp de conteneurs le 11 janvier, souligne le jeune homme, 400 de ses TN Requin Pas Cher pensionnaires ont finalement accepté de quitter Calais pour rejoindre l'un des différents centres d'accueil et Chaussures Tn Requin d'orientation de l'Hexagone. Et y entamer des démarches d'asile.
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